Harmonie

Le mot harmonie vient du grec « harmodso » qui signifie assembler. L’harmonie existe là où il y a équilibre, proportion, conjonction de divers éléments. Comme cela se passe dans un bâtiment proportionné, bien assorti en lui-même et avec l’environnement. Ou dans une harmonique musicale faite de sons différents mais accordés.

L’aube accueillie par un concert de merles, grives, rouges-gorges, roitelets …, le crépuscule enveloppé de lisérés orange, pourpre, violets et bleu foncé…, la graine qui germe silencieusement au rythme de la vie… La nature respire et rayonne l’harmonie.

L’univers – ou multivers, s’il existe – est un équilibre prodigieux d’énergies, d’ondes et d’orbites, avec ses innombrables galaxies et constellations, soleils et planètes. Et combien de planètes probablement vivantes comme cette Terre bleue et verte ! Le cosmos entier est une symphonie stupéfiante en évolution créatrice éternelle et permanente.

Nous aussi, les humains, comme tous les êtres, sommes des enfants de l’harmonie créatrice de l’univers, des fils de la Terre, de l’évolution de la vie dans son sein.  Nous fûmes dotés de capacités rationnelles et affectives, technologiques et symboliques bien supérieures à celles de toutes les autres créatures nées à ce jour sur la planète. Cependant, c’est comme si la Terre, par une erreur fatale de l’évolution, nous avait privés du bien suprême : l’harmonie avec nous-mêmes et avec les autres.

En effet, nous souffrons d’un trouble congénital profond que nous n’observons dans aucune autre espèce connue. Aucun animal, à notre connaissance, n’est torturé comme nous par l’envie et la rancune, les traumatismes du passé et l’inquiétude pour l’avenir, la peur de perdre ce que nous aimons et l’envie de détruire ce que nous haïssons, l’ambition de gagner et l’angoisse de perdre… Aucune espèce n’est aussi compétitive, prédatrice et destructrice. Que nous arrive-t-il ?

Se pourrait-il que, comme le raconte le mythe biblique, créés dans un paradis de complète harmonie, nous ayons été expulsés par une divinité jalouse et cruelle pour un péché de désobéissance de nos premiers parents ? Ce n’est pas cela. La Bible ne décrit pas ce qui arriva dans le passé, mais le déchirement dont nous souffrons, le paradis que nous recherchons et les destructions que nous provoquons.

Et nous ne le faisons pas par méchanceté, mais par ignorance et impuissance. Nous faisons le mal que nous ne voulons pas et nous ne faisons pas le bien que nous voulons, comme Paul l’a si bien dit (Rom 7, 14-23). Et nous n’agissons pas ainsi par mauvaise volonté, mais parce que nous ne savons pas ce que nous voulons vraiment ou par notre incapacité à faire ce que nous voulons. Parce que nous sommes dotés d’un cerveau extraordinairement complexe et puissant, mais incapable de gérer adéquatement sa complexité et ses capacités. Parce que nous sommes des êtres inachevés.

Nous ne sommes pas coupables, mais cela ne nous exonère pas de notre responsabilité personnelle et collective : avancer vers l’harmonie. Si les sciences remédiaient progressivement aux déséquilibres neuronaux et génétiques de notre espèce ; si le système éducatif se concentrait sur la sagesse vitale plutôt que sur la simple acquisition de connaissances; si la politique planétaire se libérait de la dictature spéculative et financière d’un petit nombre, et se laissait diriger par la quête du plus grand Bien Commun possible ; si nous pratiquions la sagesse vitale enseignée par les différentes voies de spiritualité anciennes ou récentes, au-delà des dogmes et des cadres rigides, en entrant dans notre intérieur, en nous immergeant dans la nature, en respirant dans la quiétude, en pratiquant l’attention silencieuse, en devenant proches des blessés…, nous pourrions avancer vers la réalisation de notre véritable être fraternel et heureux. Nous sommes capables d’avancer.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés au plus grand défi historique de l’Homo Sapiens : soit, au zénith de sa puissance, nous scellons l’échec de l’espèce humaine, soit nous accomplissons une profonde révolution spirituelle et politique et faisons un pas irréversible vers cette harmonie belle et fugace qui nous attire irrésistiblement.

(Publié dans Respira tu ser. Meditaciones, Ediciones feadulta.com, Illescas, Tolède 2021, pp. 53-54)

(Traduit de l’espagnol par F-X Barandiaran)