Pénétrer les fissures de la vie

Vivre c’est entrer dans un processus d’ouverture de fissures jusqu’à prendre conscience finalement que c’était bien la voie à suivre. Et puis je suis une fois de plus surpris par la capacité de la vie à trouver des failles nous permettant de poursuivre le processus de création. C’est quelque chose qui me laisse toujours pantois, moi qui comprend que la vie nous dépasse, et dépasse tout ce que nous pouvons penser d’elle. À partir de ses racines sombres, la vie cherche un endroit où elle peut renaître.

Et dans des périodes de catastrophe comme la nôtre, les gens sont obligés de montrer combien d’entre eux se sentent encore attachés à ce qui est authentique, à ce qui est humain. Seuls ceux qui portent en eux au moins une petite partie de la racine première pourront conserver cette source cachée d’où jaillit le courage de continuer à se battre. Comme le dit Jünger : “Dans les plus grands dangers, nous chercherons ce qui sauve le plus profondément”.

Notre espoir aujourd’hui est qu’au moins une de ces racines nous remette en contact avec ce domaine tellurique dont se nourrit la vie des peuples et des hommes. Nous devons avoir le courage de pénétrer dans les fissures pour que le courant de la vie puisse à nouveau s’infiltrer.

Au milieu de la peur et de la dépression qui prévalent en ce moment, des aperçus d’une autre façon de vivre émergeront, imperceptiblement, en dessous, cherchant, au milieu de l’abîme, la récupération d’une humanité qui se sent disparaître”.

(Ernesto Sábato, España en los diarios de mi vejez, 2004)

Traduit par Peio Ospital