Prière

Miren détestait viscéralement la peur que sa mère portait rivée au corps, la tendance à voir des traces de mal et de mort à chaque pas, le langage construit sur les « attention ! » et les « en cas ». Elle détestait viscéralement les conséquences de cette peur : la vie quotidienne pleine d’interdictions, de règles, de prières, de messes et autres rituels oppressants. Cela la rendait folle de voir sa mère sans volonté propre ni indépendance, toujours soumise à quelque chose de plus grand et plus diffus.

Au scandale de sa mère, à l’âge de 15 ans, elle se dressa contre tout cela : elle tua Dieu, et se choisit comme guides le courage, la raison et la volonté. A partir de là, elle dit à qui veut l’entendre que la vie est unique et qu’il faut la presser jusqu’au bout, qu’ensuite nous ne serons bons qu’à faire des engrais, et qu’il ne faut pas verser de larmes à son enterrement. Quoi qu’il en soit, Miren fuit tout ce qui sent la mort : les cimetières, le calme, les hôpitaux, les vieux… surtout les vieux. Elle est également attachée à la vie : le mouvement, l’action, le sport, les cosmétiques, la jeunesse… surtout la jeunesse.

Aujourd’hui, Miren a vu dans le miroir ses cercles gonflés sous les yeux, les commissures de ses lèvres ridées, ses seins affaissés, sa chair relâchée, son ventre gonflé. “Non, s’il vous plaît, pas encore”, a-t-elle dit en suppliant. Comme si elle priait.

(Idurre Eskisabel, dans le Journal basque BERRIA, le 15 juin 2014)

Traduit du basque par Peio Ospital