Prix Nobel de la paix, seigneur de la guerre

Le prix Nobel de la paix lui fut attribué : d’aucuns disent que c’est davantage pour ce qu’il voulait faire que pour ce qu’il a fait. Nous savons maintenant que ce qu’il voulait faire n’était nullement différent de ce qu’il avait fait. Maintenant, ses paroles sont devenues, elles aussi, des paroles de guerre.

Vous m’horrifiez, Monsieur Obama. Lorsque , il y a 5 ans, vous avez été élu président de la première puissance mondiale, je m’étais réjoui profondément en pensant que c’était une bénédiction pour notre pauvre et non moins magnifique planète , avec ses gens et toutes sortes d’êtres vivants, tels que les baleines bleues des océans et les singes titis de l’Amazone. Puis, je me suis également réjoui de votre réélection, il y a un an, mais, cette fois-là, c’est surtout parce que votre rival me faisait très peur.

Mais nous avons été dupes. Vous avez trahi nos rêves. Et si vous n’avez pas allumé une guerre terrible au Moyen –Orient et dans le monde entier, sans doute est-ce surtout parce que vous êtes en passe de cesser d’être le président de la plus grande puissance du monde. Je m’en réjouis, bien que les dirigeants des nouvelles puissances ne soient pas meilleurs que vous ou même s’ils sont pires . Il est bien triste de devoir le reconnaître, mais le fait que vous vous craigniez entre vous constitue la meilleure garantie de paix pour la Terre. A vous tous, où êtes-vous en train de la conduire ?

Vous nous avez dit, d’un ton grave et ému, être horrifié par l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Il y a bien de quoi l’être, mais comme nous avons du mal à vous croire ! Perdre confiance en quelqu’un c’est la dernière et la pire des choses, mais comme nous avons du mal à croire que ce sont les morts de Syrie qui provoquent votre émotion alors que vous étiez décidé à tuer tous les Syriens, soldats ou enfants, qui se trouveraient sous vos missiles et vos drones !

Vous nous avez dit d’un ton solennel que vous aviez « le devoir moral de répondre à l’attaque à l’ arme chimique ». Oui Monsieur, tout être humain et tous les pouvoirs de ce monde ont le devoir moral de répondre à une attaque à l’arme chimique, d’où qu’elle vienne. Mais permettez-nous de douter de votre critère moral. Pourquoi ne nous avez-vous donc jamais dit avoir éprouvé, si tel était le cas, le devoir de répondre à tant d’autres attaques , tel le récent massacre de Frères Musulmans aux mains des militaires égyptiens, vos amis, après un coup d’Etat que vous avez permis ou favorisé ? Et n’éprouvez-vous pas le moindre devoir moral d’empêcher les entreprises minières de votre pays d’empoisonner les rivières et les sources d’eau au cyanure et de tuer des peuples entiers d’indigènes ou de descendants d’africains comme vous dans le sud de votre Amérique ? Est-ce que, par hasard, vous souffrez pour les milliers de morts que causent chaque jour – chaque jour ! – les sociétés financières de votre pays ? Tout a l’air d’un faux prétexte.

Vous avez déclaré devant le monde entier que les Etats –Unis ne peuvent pas « fermer les yeux devant la tragédie syrienne ». Non, Monsieur, personne ne peut les fermer. Mais, est-ce-que par hasard les Etats-Unis n’ont pas fermé les yeux chaque fois que leur propre intérêt était en jeu ? Votre gouvernement ne ferme-t-il pas les yeux devant les tragédies du Congo ou de la Guinée Equatoriale ? Ne détournez-vous pas votre regard lorsque les tragédies sont provoquées par des régimes puissants comme la Chine ou la Russie ou des régimes amis comme Israël ou l’Arabie Saoudite ? La conclusion est terrible : les Etats-Unis confondent le devoir moral avec leur propre intérêt , tout comme le fait le régime terroriste syrien.

Sans doute est-ce un calcul d’intérêts qui vous dissuade maintenant d’attaquer la Syrie. Je me réjouis que vous ayez fait marche arrière. Je ne me réjouis pas des motifs de votre décision. Et je me réjouis de la clameur de paix de tous les hommes et toutes les femmes de bien, la pétition des chrétiens de Syrie, le manifeste du patriarche orthodoxe russe, le manifeste solennel du pape François, et celui de Mgr. Munilla qui, à Arantzazu, affirma, non sans raison, que les conflits ne peuvent se résoudre qu’au moyen du dialogue et de la négociation (mais à propos, n’était-il pas entendu que le régime syrien était terroriste et qu’il ne faut pas négocier avec les terroristes ?)

Oui, je vous en supplie, négociez, et faites-le en pensant au plus grand intérêt de tous. De tous. Que la Syrie remette ses armes chimiques. Que les Etats-Unis remettent leurs armes atomiques et leurs drones assassins . Que tous remettent toutes leurs armes mortelles. Que nous soignions tous la vie. Que la vie de tous soit bénie.

(20 septembre 2013)

Traduit de l’espagnol par Miren de Ynchausti