Les divorcés et la communion

Nous le savions déjà. Le Droit Canon est sans appel sur cette question, et Jean-Paul II avait été très clair là-dessus. Mais, voilà que, à rebours des airs nouveaux qui soufflaient ces derniers mois, sont arrivées de Rome des directives qui définissent avec une brutale précision les limites et les conditions pour qu’un(e) divorcé(e) puisse participer à la communion. Dans le vocabulaire catholique, « communier » signifie recevoir la communion à la messe, manger le pain qui est le corps de Jésus, qui est le corps de Dieu ou de la Vie ou de l’Amour sans limite.

Eh bien, non. Gerhard Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, a à nouveau affirmé, dans un article de l’Osservatore Romano, journal officiel du Vatican : aucun prêtre catholique ne doit donner la communion à une personne divorcée qui vit avec une autre et qui maintient avec elle des relations sexuelles, à moins que…

A moins qu’elle ne se repente de la situation, et aille à confesse. Si elle fait preuve de repentance et se confesse, le prêtre peut lui donner l’absolution et, après, la communion. Mais à une condition : que le couple s’engage à « vivre ensemble comme des amis, comme frère et sœur », c’est-à-dire, sans rapports sexuels. Comment le prêtre pourra-t-il s’enquérir de savoir si le couple a seulement des relations du type « frère et sœur » ou aussi de couple, cela, on ne nous le dit pas, mais on déduit qu’il sera obligé de le leur demander. En revanche, qu’ils soient divorcés ou pas, personne ne leur demandera s’ils fraudent le fisc. Est de retour, ou plutôt n’avait pas disparu, ce que le pape François avait appelé « l’obsession » du sexe.

L’Eglise Hiérarchique « accueille » les divorcés, mais leur refuse la communion. C’est comme si une mère disait à son fils, à sa fille divorcée qui vit avec une autre personne : « tu peux venir à la maison, mais –je le regrette – tu ne peux pas entrer. Ou alors, tu peux entrer, mais sans t’asseoir à table. Tu peux rester avec nous, mais sans manger, parler, chanter, rire ou pleurer avec nous ». Qui peut imaginer une telle mère ? Qui peut imaginer un Jésus pareil ? Peut-on accepter une Eglise qui dit à un couple de divorcés –avec « miséricorde », bien sûr !- : « Vous n’êtes pas des nôtres, vous ne faîtes pas partie des justes » ?

L’indissolubilité du mariage devient plus importante que la communion. Pour justifier l’indissolubilité du mariage, le Cardinal Préfet fait appel à la tradition et à la volonté de Dieu. Comme si la tradition faisait partie de la volonté de Dieu. Jésus le nia expressément, et l’histoire de l’Eglise est remplie de traditions qui ont cessé d’être « volonté de Dieu ». Heureusement. Comment une tradition vivante pourrait être autrement?

En fait, dans l’histoire de l’Eglise il y a moult exceptions de ladite indissolubilité, à commencer par Saint Paul et l’évangile de Matthieu. A la vérité, on a fait intervenir un subterfuge : pour conclure qu’un mariage n’existe plus, on affirme qu’il n’a jamais existé, qu’il n’eut eu jamais de sacrement, qu’il était invalide ou « nul » depuis le début. Ce sont les affaires du Droit Canon.

Ainsi, au début de cette année, lors d’une allocution adressée aux magistrats qui traitent les dossiers des causes de nullité matrimoniale, Benoît XVI les avait invités à examiner si l’absence de foi des fiancés ne pouvait pas être considérée comme une cause suffisante de nullité du mariage. Et la non-foi de ceux qui sont déjà mariés ? Et l’absence d’amour ? « Nul » ou « dissous », -appelle-le comme

tu voudras-, mais un couple sans amour n’est plus sacrement de Dieu ou de la Vie, n’en déplaise au Droit Canon.

Si pour quelque raison que ce soit – qui peut se permettre de juger les autres ?- ton mariage ou ta vie de couple se sont cassés, et que la Vie t’a offert la grâce de rendre la blessure plus supportable et plus douce la vie, rends grâce à la Vie et profite d’elle avec simplicité, avec gratitude, avec confiance. Et, si un prêtre te refuse la communion, ne perds pas la paix. Jésus est avec vous dans vos joies et dans vos souffrances. La Vie est avec vous. Dieu, qu’on peut nommer la Vie, se donne à vous en communion à travers le pain, les baisers ou les enfants que vous partagez chaque jour. Prenez soin de vous et communiez en paix, lors de l’eucharistie ou chez vous à la maison.

(30 octobre 2013)

Traduit de l’espagnol par François-Xabier Barandiaran