J’étais à Bilbao

J’ai participé à la manifestation du samedi 12, derrière la banderole « Droits humains. Solution. Paix. Prisonniers et prisonnières basques de retour à Euskal Herria ». Avec tout mon respect pour ceux qui partagent cet objectif mais pas la manifestation et pour ceux qui ne sont d’accord ni avec l’objectif ni avec la manifestation, je déclare avec franchise et simplicité que j’étais présent à Bilbao.

1. A l’instar de l’immense majorité des citoyens basques, je réclame des changements substantiels dans la politique pénitentiaire, à commencer par la fin de la dispersion, l’abolition de la « doctrine Parot » (*) et la libération de prisonniers gravement malades. La dispersion punit injustement les familles. La « doctrine Parot » a été unanimement déclarée illégale par le Tribunal Européen des droits humains et par celui de Strasbourg. Le maintien en prison d’un malade gravement atteint va à l’encontre du sens de la prison d’après la Constitution : prévention et rééducation/réinsertion. Continuer à appliquer ces trois mesures est contraire au droit en vigueur. Et, surtout, elles blessent les droits humains des prisonniers.

2. Eh bien, oui, tous les prisonniers –même ceux qui ont commis les pires délits – sont des sujets des droits de l’homme. Dieu mit un signe sur le front de Caïn l’assassin, pour que personne ne lui fasse de mal. Il faut défendre tous les droits humains de toutes les personnes, quand c’est opportun politiquement et quand cela ne l’est pas. Avec une seule limite : les droits supérieurs des autres personnes (ou d’autres êtres). Je pense que les mesures indiquées n’enfreindraient aucun autre droit supérieur. Par conséquent, elles relèvent de la justice.

3. Et les victimes ? On a affirmé que ceux qui avons assisté à la manifestation de Bilbao, nous avons méprisé et fait un affront aux victimes d’ETA. Cela me fait mal de l’entendre. Je suis ému et m’incline devant toutes les victimes d’ETA (et devant les autres victimes, celles de l’appareil de l’Etat ou paraétatique), et je leur demande pardon. Et je leur dis de tout cœur : « Nous voulons être près de vous, hommes ou femmes, jusqu’à ce que votre plaie cesse de saigner. Ne permettez pas que des intérêts extérieurs à vous maintiennent ouverte cette plaie. La haine et la vengeance et l’augmentation de la punition que prêchent certains ne guériront pas votre souvenir. Seul pourra vous calmer le baume de la compassion qui vous fut dénié ».

4. On a dit que les participants à la manifestation nous apportions une justification à ETA. Peut-être certains auraient voulu qu’il en fût ainsi, mais c’est un mensonge. L’immense majorité de ceux qui y étions, depuis moult années, nous avons condamné en privé et en public, par des mots et des écrits, le terrorisme d’ETA. Que celui qui a condamné TOUJOURS TOUS les terrorismes jette la première pierre. Souvenons-nous, oui, du passé, pour ne pas le répéter. Accordons du temps à chacun pour raconter et soulager les angoisses endurées. N’oublions pas le passé, mais guérissons la mémoire. Et construisons le futur avec sagesse, avec patience, avec grandeur d’esprit.

5. On a dit aussi que la manifestation était manipulée par la gauche « abertzale » (indépendantiste). C’est possible. Je demande que personne ne marginalise les prisonniers qui suivent « la via Nanclares », à travers laquelle le Gouvernement offre la sortie de prison en échange d’un abandon public de l’appartenance à ETA, d’une demande de pardon, du paiement de la responsabilité civile à l’égard des victimes, de la collaboration avec la justice. Mais, si je ne devais participer qu’à des manifestations sans taches, je resterais toujours chez moi. Et, peut-être que la « via Nanclares », tout en étant juste, est manipulée ?

6. J’ai entendu et j’ai lu que la manifestation de samedi ne servira à rien. C’est possible, mais ce serait injuste et lamentable. Comme ce serait injuste et lamentable de soutenir les droits humains seulement quand nous serions sûrs du succès. Il est obvie qu’il faudra bien d’autres choses que des pancartes. Maintes volontés et maints instruments de paix seront nécessaires pour bâtir un futur commun. Et je pense que nous pouvons tous le vouloir et le faire, et qu’en additionnant les efforts nous pourrons réussir.

« Bienheureux ceux qui cherchent la paix – a dit Jésus -, parce qu’ils seront fils de Dieu », fils et filles de la Paix. Seul celui qui cherche la paix vivra en paix.

(*) Jurisprudence très défavorable en ce qui concerne la réduction des peines

(17 janvier 2013)

Traduit de l’espagnol par François-Xavier Barandiaran