L’ÉTOILE

Amie, ami : Bon Noël ! Ou, si tu préfères, bon solstice d’hiver : la nuit commence à raccourcir dans notre hémisphère Nord, alors qu’il se passe tout le contraire dans l’hémisphère Sud. Le soleil qui meurt naît et meurt et renaît. Quand nous le voyons monter dans le ciel, d’autres le voient descendre, mais il offre à tous les vivants son énergie, son souffle vital, de jour et de nuit, de solstice en solstice et d’équinoxe en équinoxe. Loué sois-tu, frère père Soleil avec notre sœur mère Terre.

C’est le symbole de la vie qui ne naît ni ne meurt, qui EST « aux commencements », bien plus avant que le soleil et toutes les étoiles, « avant » de tout avant et après, au plus profond du présent. Nous l’appelons « Dieu » et nous ne savons dire ce qu’il est, sinon qu’il EST, et nous pouvons seulement le traduire en images maladroites. Il est Esprit ou Souffle, Impulsion, Eros ou Amour infini, Présent ou Présence absolue. Il n’est personne ni rien qui ait une forme, mais il est Tout dans toutes les formes. Il est moi/tu, il/elle, nous. Il est Parole, Relation, Communion universelle. Il est créativité infinie. Il est l’infinie bonté créatrice, qui se manifeste en tout ce qui est bon ou pour le bien, en tous les êtres, en tous les vivants, en tous les humains. C’est le Soleil qui renaît chaque jour au fond de nos ténèbres, comme au solstice d’hiver.

Regarde-le, remercie-le, laisse-toi éclairer. Et, dans ta pauvreté, incarne-le, sois ce que tu es, compatis, accompagne, console, révolte-toi. Ainsi l’incarna Jésus de Nazareth, fils de Marie et Joseph, ou fils de l’Esprit de la Vie, comme tout vivant. Il fut le prophète bon et subversif d’un village inconnu d’un coin de Palestine il y a 2 000 ans. Il arriva à être ce qu’il était. Il crut en la bonté, réveilla l’espérance, annonça la libération à tous les opprimés, guérit les malades de l’âme et du corps, fit face à l’autorité religieuse et au pouvoir impérial. Il fut libre et bon. Il fut heureux parce qu’il avait du cœur. Il ne fut pas parfait (qu’est ceci ?) mais humain, fait d’une argile fragile et native comme toi et moi. Dans la bonté de son humanité inachevée, il incarna Dieu, le Mystère de la Vie, de forme à la fois incomplète et totale, puisque dans la partie se trouve le Tout. En le voyant, quelques hommes et femmes, comme les mages d’Orient perdus sur le chemin, se dirent : « Nous avons rencontré l’étoile qui nous guide. » Et ils le suivirent.

Les évangiles qu’ils soient canoniques ou apocryphes nous le racontent. Mais tout ceci n’est pas historique, diront beaucoup, mais légendes de foi. Ils ont en grande partie raison. Le Jésus des évangiles est une figure profondément recréée par la foi de ses disciples. Nous ne savons pas, c’est évident, quel jour il naquit. C’est seulement au 4ième siècle que fut instaurée dans la plupart des églises la célébration de sa nativité le 25 décembre, à la fin des fêtes du Solstice.

Et c’est logique, puisque ce jour-là les romains célébraient la naissance du soleil et d’Apollon, certains perses la naissance de Mithra, les germains celle de Frey (et ensuite les aztèques celle de Huitzilopochtli, les incas celle de Inti…) Les noms sont distincts, mais la lumière est la même. La lumière qui jaillit du fond de tout, qui communique la chaleur de la vie, et que nous devons entretenir. Il n’y a rien de plus vrai.

Ce n’est pas le jour de la naissance de Jésus qui importe mais la personne lumineuse que les évangiles présentent, celle d’un homme libre et fraternel. Je dirais plus : il n’importerait pas non plus que ce que nous content si différemment et parfois de façon si contradictoire les dits évangiles, soit proprement historique. Ce qui importe au final, est que les yeux s’ouvrent pour voir tout autrement, pour être ce que fut Jésus, ce que nous sommes en vérité.

Le plus réel de Jésus ne sont ni les paroles ni les actes qui pourraient être prouvés comme historiques, mais la profondeur de la Vie qui le fit et nous fait plus libres et plus humains. Cela ne peut se dire qu’en paraboles, poèmes et évangiles. L’annonce d’un ange à Marie et à Joseph et aux bergers de Bethléem, la naissance virginale, le voyage des mages guidés par l’étoile qui apparaît et disparaît… n’eurent jamais lieu comme faits historiques, pas plus que la multiplication des pains ou la résurrection physique avec le tombeau vide et tant d’autres choses. Mais y a-t-il quelque chose de plus vrai que « cet indicible » que ces récits veulent nous transmettre ?

De quoi s’agit-il ? C’est ce que narre le mythe, ce que suggère le poème, ce dont rêve l’enfant, ce qu’annonce le prophète, ce qu’entreprend le rebelle. La bonté créatrice : la voilà l’étoile.

(25 décembre 2016)

Traduction de l’espagnol par R-M Barandiaran