Aux lesbiennes, gais, transsexuel(le)s et bisexuel(le)s

Amies, amis : merci de m’avoir invité à votre rencontre annuelle de Croyants Chrétiens LGBT  dans le sanctuaire franciscain de Santa Maria de Regla, à Chipiona (Cadix). Magnifique lieu de paix caressé par l’Océan Atlantique, bercé, jour et nuit, par la rumeur des vagues. Merci aux frères franciscains pour leur chaleureuse accolade  fraternelle  et, surtout, parce qu’ils vous accueillent chaque année avec la liberté et la bénédiction de François d’Assise à son frère Léon, bénédiction présente dans tous les coins du sanctuaire : « Que le Seigneur te bénisse et te garde… ». Oui, la Vie vous bénit.

Dieu et la Vie ne vous bénissent pas bien que vous soyez gais, lesbiennes, bisexuel(le)s, transsexuel(le)s, mais pour être comme vous êtes. Bénissez votre vie pour ce que vous êtes, pour votre corps tel qu’il est – le corps ne ment jamais -, pour votre orientation sexuelle, pour votre identité de genre. « Merci parce que tu nous as faits de toutes les couleurs » proclamait le thème de votre rencontre. Qu’il en soit ainsi. Que chacun et chacune se réjouisse d’être comme il est. Qu’il rende grâce pour la couleur propre et unique de sa vie, comme le bleu du ciel de Chipiona, le vert de ses vagues, le jaune de ses plages, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.

Jésus ne vous accueille pas avec « miséricorde », comme on lit dans les Évangiles qu’il accueillait les « publicains et les pécheurs » et mangeait avec eux ; ainsi que l’affirment, avec  la meilleure intention, certains bons théologiens quand ils parlent de vous ou s’adressent à vous, en admettant sans le savoir ou en insinuant sans le vouloir qu’à cause de votre condition on doit porter sur vous un regard indulgent et vous traiter avec commisération. Comme si vous portiez sur vous un problème, une maladie ou une faute.

L’Église ne vous doit pas de la compréhension, ni de la miséricorde, mais de la reconnaissance. Elle doit reconnaître ce que vous êtes comme étant bon, aussi bon que la qualité de blond dans un pays de bruns. Et il ne suffit pas de dire, comme le Pape François, quand on l’a interrogé sur les homosexuels : « S’ils sont ainsi, qui suis-je pour les juger ? » C’est bien, c’est déjà beaucoup, mais imaginons qu’un journaliste lui eût demandé : « Pape François, que pensez-vous d’un couple hétérosexuel ? ». Croyez-vous qu’il aurait répondu : « Si la vie les a faits ainsi, je ne dois pas les juger » ? Que l’Église cesse de vous traiter avec miséricorde pour vous traiter avec respect, et de vous considérer avec tolérance pour vous reconnaître véritablement. Le problème est en elle. Le problème est en nous.

Vous portez sur vos épaules le terrible stigmate de milliers d’années de culture machiste, de négation de culture, de mépris de l’autre, de maltraitance de la vie, de simple ignorance… L’anathème de l’institution ecclésiale pèse encore sur vous, par pure ignorance, par dureté mentale ou, peut-être aussi, par dureté du cœur. En général, les religions – depuis les traditions de l’Orient jusqu’aux grands monothéismes – sont en retard d’une révolution culturelle et spirituelle qui les conduise à se réconcilier profondément avec le corps, le sexe, le plaisir. Et n’oublions pas que l’homophobie la plus agressive correspond presque toujours avec sa propre homosexualité mal vécue ; la psychologie et la sociologie (l’ecclésiastique, en particulier) l’attestent.

Un jour viendra où l’Église vous demandera pardon pour ce qu’elle soutient faussement au nom de Dieu. Elle effacera du Catéchisme de l’Église Catholique, parmi d’autres, l’affirmation absurde que « les actes homosexuels sont intrinsèquement désordonnés » et abandonnera, enfin, son argument préféré : que la Bible et la Tradition l’ont enseigné « toujours » ainsi. C’est faux d’un point de vue historique, puisqu’il faut beaucoup chercher et  interpréter pour trouver dans la Bible une condamnation claire de l’homosexualité ; quant à l’histoire de l’Église, moult témoignages et documents attestent que, surtout avant le XIVe siècle, la pratique de l’homosexualité était non seulement tolérée, mais qu’elle fut même bénie comme sacrement. Mais, l’argument d’affirmer que ce que disent la Bible et la Tradition est une vérité absolue et doit être maintenu pour toujours de manière inamovible est, avant tout, théologiquement faux. Cela justifie des opinions insensées par le simple fait « que c’est écrit ». Absurde !

Les évêques ne lisent-ils dans la Bible, aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, que Dieu interdit de manger de la viande de porc, des fruits de mer, du lapin ou de la charcuterie ? Ne lisent-ils pas, dans la lettre à Timothée, que les évêques doivent être mariés ? En réalité, ils lisent seulement ce qui leur convient. Ils donnent le nom de Dieu à leurs phobies et obsessions.

Mais l’Esprit est en mouvement. Les religions évoluent, malgré leurs textes et leurs traditions. Le Dalaï-Lama a évolué. Ainsi que beaucoup de rabbins libéraux. Et nombre d’évêques anglicans. Les évêques catholiques, bougeront-ils ? Et le Pape François aussi, sur cette question ? Se réconcilieront-ils avec la Vie ?

Ami, amie, homosexuel(le)s, l’ange de l’annonciation te dit, comme à Marie : Réjouis-toi d’être comme tu es, plein(e) de grâce, sacrement de l’amour dans ta couleur propre belle et sainte. Aime-toi comme tu es et sois ce que tu aimes.

(20 mars 2016)

Traduit de l’espagnol par François-Xavier Barandiaran